Karl Hans Straun-Kaiser

C'est dans un grand dôme immaculé, illuminé de puissants néons au plafond, que commence notre aventure. Planté au milieu d'une grouillante foule s'engageant à travers des bureaux administratifs, un jeune garçon aux cheveux dorés fixait le compteur numérique indiquant que bientôt son tour viendrait. Enfin, son numéro apparut. D'un pas lent et impérial, il se rendit au bureau indiqué, s'asseyant devant un homme opulent, avec de fines lunettes d'écaille sur son nez aplati. Un rapide interrogatoire allait se dérouler, lui permettant de recevoir sa Carte de Dresseur, le premier pas sur sa longue route de Dresseur Pokémon.

Bienvenu jeune homme ! Tu viens pour ta carte de dresseur ? Bien, bien, bien... Tout d'abord, comment t'appelles-tu ?

La voix de l'homme était douce, pour un homme de cette corpulence. Mais le blondinet ne laissa pas paraître sa surprise. D'une voix caverneuse et rauque, le jeune homme répondit simplement, quoiqu'un peu sèchement :

Karl Hans Straun-Kaiser. Mais mettez juste Karl Straun, je vous prie...

Le bureaucrate tapa rapidement sur son ordinateur, un fin sourire aux lèvres, ayant vraisemblablement perçu la pointe de déni dans la recommandation de son jeune invité. L'air de rien, il poursuivit son interrogatoire :

Je vois, je vois. Et quel âge as-tu ?

Les questions basiques ennuyaient un peu l’impétueux newbi, mais il fallait faire avec. D'un mouvement de main , il annonça son nombre d'année :

16 ans...

Brève et concise fut la réponse. Ce qui ne semblait déplaire à l'employé. Immédiatement, comme pressé par le temps, l'heure de midi commençant à poindre son nez, il s'enquit de demander les autres renseignements standards :

Évidemment, évidemment. Et dans quelle région es-tu actuellement ?

Soupirant, jugeant les questions de plus en plus obsolètes et inutiles, Karl répliqua d'un ton cinglant et baigné d'ironie :

Nous sommes bien à Kantô, non ?

L'employé le regarda quelques instants les yeux ronds, éberlué d'une telle réponse. Effaçant rapidement son trouble, il asséna un nouvelle question, ses doigts continuant de marteler les touches de son clavier :

En effet, en effet. Et qu'as tu choisis en tant que statut ? Dresseur, éleveur ?

Du tac-au-tac, l'apprenti-dresseur déversa son ambition future. Une ambition freinée depuis bien trop longtemps. Une ambition davantage bridée par cet ennuyeux interrogatoire :

Dresseur. Je veux me confronter aux meilleurs champions de ce monde.

Hochant la tête machinalement, ayant sans doute reçu cette réponse de bien nombreuses fois, l'employé grassouillet poursuivit l'entretien, relevant son visage bouffi à la mine avenante :

Ambitieux, hein, hein ? Bien, as-tu déjà reçu ton premier pokémon ?

Karl sourit naturellement pour la première fois. Un petit sourire en coin, teinté de fierté. D'une main leste, il écarta le pan de son veston, prenant l'unique pokéball miniature de sa ceinture, la lâchant au sol. Celle-ci s'ouvrit dans un flash, une ombre apparaissant :




Le pokémon lâcha un léger cri, regardant autour de lui, avant de fixer l'examinateur qui s'était penché par-dessus son bureau afin d'admirer la bestiole. Se remettant en place, toussotant légèrement, il se leva de sa chaise, invitant l'adolescent à en faire de même.

Oui. Ce Elekid !

Bon, bon. Allons à la chambre de modélisation. Nous allons créer une image virtuelle de toi, afin de l'inclure dans ton pokédex. Il permet aux agents de sécurité d'avoir un rendu visuel du dresseur à qui appartient le Pokédex.

Obéissant, Karl se leva, suivant le fonctionnaire. Sous la demande de l'homme, il détacha de son cou un fin pendentif d'argent au motif cruciforme. Il entra alors docilement dans une chambre individuelle, aux murs plastifiés, où une technologie de pointe y était encastrée. Quatre scanners muraux l'entouraient. Soudain, la lumière quitta la pièce, un faisceau apparaissant au dessus de lui. Lentement, le rai descendit, passant sur l'entièreté de son corps. Karl ne savait pas si celui-ci s'arrêterait à ses vêtements, ou à son corps nu. Dans sa confusion, il préféra s'abstenir de pensées malvenues. Sur son visage aux traits fins et délicats, il sentit une douce chaleur l'envahir. La lumière transperça ses paupières, lui conférant une impression dérangeante à ses grands yeux couleur azurée, où pétillaient habituellement une lueur de malice et d'espièglerie. Le faisceau poursuivit son office. Nonobstant la légère chemise pastelle qu'il arborait, aux manches courtes, ouverte sur son torse nubile et au col remontant haut vers ses joues, il sentit qu'on captait sa carrure légère, finement musclée, subtilement ciselée : celle de quelqu'un faisant attention à lui, s'étant longuement préparé aux périples du voyage. Sans discontinuer, le capteur modélisa alors une mince ceinture de cuir, possédant une série de poches au niveau de la taille. Ceinture qui retenait un ample pantalon de lin, couleur crème, s'arrêtant sur des chaussures de ville aux tons d'automne. La tenue entière du jeune était faite tout en légèreté et praticité, afin de se déplacer avec aisance. Un bip retentit alors, la lumière reprenant ses droits sur la pièce sombre et la porte s'ouvrant derrière lui. Passant sa main dans ses cheveux dorés comme les blés, Karl essaya de remettre de l'ordre dans ses cheveux sauvages, en bataille : un combat perdu d'avance. Il sortit alors de la machine, remettant son collier à sa place usuelle, attendant les instructions du représentant enrobé. D'un mouvement de main, l'autre les fit reconduire à son bureau où ils s'installèrent à nouveau.

Trifouillant dans ses tiroirs, l'homme avenant sorti deux feuilles, ressemblant visiblement à des formulaires. Les mettant à plat face au jeune garçon, il lui souffla :

Voici un Certificat de Bonnes Moeurs, indispensable à ton accession à la Carte de Dresseur... Durant l'entièreté de notre entretien, j'ai pu constater que tu es un jeune homme ma foi bien éduqué, poli et aimable. Bien que j'ai cru voir une certaine pointe d'impatience et d'humour caustique à certains moments...

Sa dernière phrase était ponctuée d'un large sourire moqueur, alors qu'il le fixait droit dans les yeux. Comme à son habitude, Karl tenta de rester impassible, se demandant si la dernière remarque était un trait d'humour particulier ou une menace. Bien sûr, en apparence, il prenait toujours soin de se montrer rassurant, conquérant, fier. S'il n'était pas du genre bavard et empathique, il n'en restait moins quelqu'un d'agréable et de facile d'accès. très tolérant, honorable et juste, son âme était bonne, tout comme son cœur. Mais son esprit rationnel, dominant son être, en faisait quelqu'un d'assez froid, aimant la solitude. Bien sûr, jeune et impétueux, la sagesse acquise à son jeune âge était relativement limitée, faisant de lui quelqu'un de très impatient et impulsif. Heureusement, tout cela était contrebalancé par un esprit terre à terre, logique et mécanique. Quelle que soit la situation, il était sûr de pouvoir surmonter l'obstacle. C'était son idée. L'imprudence en plein. L'arrogance et l'excès de confiance en soi à son paroxysme. Bref, c'était un adolescent parmi tant d'autres. Le fil de ses pensées se brisa alors, rappelé par la voix de l'homme :

Tu n'as plus qu'à signer ici et remplir ce dernier formulaire et le signer. Une fois fait, vous serez un nouveau participant à la Ligue Pokémon, très cher !

Karl prit les documents, signant d'une traite le Certificat, avant de plonger son regard sur la dernière feuille : un rappel de son état civil. D'une écriture fluide et rapide, il inscrivit rapidement les points clefs de sa jeune existence. Né à Safrania, de parents commerçants, il fut élevé de manière correcte et aimante. Rapidement, il sut que les grandes études n'étaient pas pour lui. Non faute de moyen, mais de tempérament. Il avait le sang bouillonnant et il devait se dédier à l'aventure. Malgré tout, sa mère le convint de terminer un apprentissage de cuisinier avant de se lancer dans la carrière de dresseur. Une bouée de secours en cas d'échec, si vous voulez. Dès son âge le plus tendre, son père lui inculqua de grandes valeurs telles que le respect et la maitrise de soi. Pratiquant dans le dojo de Safrania, une grande partie de ses aptitudes morales proviennent de là. La pratique du taekwondo l'ayant renforcer plus encore spirituellement que physiquement, quelque part. Dès qu'il reçut son diplôme de cuisinier, il fit une demande au Professeur Chen afin de recevoir un premier Pokémon. Après un long mois d'attente, il reçut une réponse de l'éponyme chercheur, le conviant à un rendez-vous. Un rendez-vous qui eut lieu deux heures à peine avant son arrivée à ce centre, le projetant là, devant vous, face à cet ultime papier qu'il signa de sa plume, le rendant au bureaucrate... Reprenant le tout, l'homme appuya sur un simple bouton, mettant un route une machine bruyante, faisant sortir de son sein une simple puce, qu'il tendit à l'adolescent, afin de l'incorporer au Pokédex.

Voilà, voilà. Tout est en ordre. Bienvenu dans un monde empli d'aventures, Monsieur Straun !