[O.S] Even the Shadow has a shadow

Pourquoi... Pourquoi... Pourquoi..?

C'était l'unique pensée, l'unique question, la seule chose à laquelle je pouvais réfléchir. Il m'était impossible de diriger mon esprit vers autre chose que cette interrogation. Pourquoi avait-il envoyé Midona ? Pourquoi avait-elle tenté de me tuer ? Pourquoi m'avait-il... trahi ? Celui qui m'avait recueilli. Celui qui m'avait tout appris. Mon père...

Sorti de la forêt, j'étais arrivé en vue d'un petit village reculé. Le vent qui soufflait puissamment charriait une fragrance de fleurs. J'ignorais où j'étais, mais je savais que cette commune n'avait absolument aucun intérêt. Pour preuve, aucun son, aucune lumière ne troublait la nuit tombée depuis maintenant un bout de temps, signe que les forces de l'ordre n'avait pas jugé utile de placer le hameau sous surveillance. Cette tranquillité aurait pu me pousser à rester à proximité de ce patelin pour me reposer quelques heures, mais je n'avais pas de temps à perdre. Il ne restait que deux jours avant le départ du navire. Je ne pouvais profiter d'aucun instant de répit. Avancer... Il me fallait avancer. Pour découvrir la vérité.

Je repris ma route. Plus ne rien ne pouvait me distraire, de ce fait, la question qui me hantait revint immédiatement s'immiscer dans mon esprit. Pourquoi ? Il y avait forcément une raison, mais je n'avais aucune idée de ce qu'elle pouvait-être. Jamais je n'avais échoué une mission. Jamais je n'avais terni notre nom. Non, jamais il n'avait été mécontent de moi. Il n'y avait aucune raison que j'aurait pu connaître. Et pourtant, il avait tenté de me faire disparaître. J'étais devenu une menace pour lui, sans que je sache pourquoi. Encore et toujours, ce mot revenait. Pourquoi... Pourquoi... Pourquoi..?

Si tu veux le savoir... Tu n'as qu'à demander ~

Je me figeais. Encore cette voix... Encore lui... Pourquoi était-il revenu ?

Je suis toujours là, tu sais. Je fais parti de toi, et je le serais toujours... Malheureusement.

Ta gueule... Qu'est-ce que tu veux, cette fois ? Il n'y a personne aux alentours. Rien pour abreuver ta soif de sang.

Hum... Dommage. Mais bon, de toute façon, c'est pas pour ça que je suis là. Je te l'ai déjà dit, si tu veux savoir pourquoi, je peux te le dire.

Comment pourrais-tu ? Tu n'as même pas ton propre corps, comment pourrais-tu savoir ce que j'ignore ?

Tu connais le proverbe "Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d'où tu viens" ? Tu sembles sceptique... Tu veux un aperçu ?

Ma vision se brouilla. Je me sentis tomber et... plus rien.

*****

Lorsque je rouvris les yeux, j'étais debout. En regardant autour de moi, je pus constater que l'intégralité de l'environnement avait changé. Si la noirceur de la nuit été restée, c'était désormais dans une terre désolée que je me trouvais. Une immense plaine vide de toute verdure. Seuls quelques arbres morts brisaient la monotonie du paysage.

A quelques pas de moi, deux silhouettes avançaient, toutes deux couvertes par un manteau noir. Elles marchaient vite, couraient presque, regardant régulièrement derrière elles, comme si elles fuyaient quelque chose. En temps normal, je n'aurais prêté aucun intérêt à ces deux personnes. Mais quelque chose me poussa à me rapprocher d'eux, une chose contre laquelle je ne pouvais lutter. Je me mis donc à marcher dans leur direction, les rattrapant rapidement.
Mais, malgré la proximité, les deux silhouettes ne semblaient pas me voir. En effet, au vu de leur inquiétude apparente, elles auraient au moins dû me regarder lors de mon approche. Ce ne fut pas le cas. En revanche, elles commencèrent à parler.

- Courage... Nous y sommes presque.

- Oui... Tout ce chemin parcouru... J'espère que ça en vaudra la peine...

- Mashiro... Comment va-t-il ?

La silhouette à la voix de femme ouvrit légèrement son manteau et regarda l'enfant qu'elle tenait dans ses bras. Un sourire illumina un instant ses lèvres.

- Il s'est calmé.

- Ouf...

Le silence repris sa place dans la contrée déserte. Je suivais toujours les deux personnes, tandis qu'elles ne me voyaient pas. J'ignorais pourquoi je leur emboîtais le pas, mais je sentais que c'était ce que je devais faire. L'homme reprit soudainement la parole.

- Tu sais... Je pense que... Arrivé là-bas, je pense que nous allons devoir les laisser à quelqu'un...

La femme se figea, stoppa sa marche. Elle tourna vers son mari un visage incrédule, avant de lui répondre :

- Tu veux... Les abandonner ..? Nos enfants ..?

- Je... Je pense que ce serait mieux pour eux. Écoutes, Kanade... Nous sommes des fugitifs. S'ils restent avec nous, ils seront en danger tout autant que nous. Penses à eux... Ikuto et Mashiro... Ils n'ont rien fait. On ne peut pas leur imposer notre avenir.

La femme réfléchit pendant de longues minutes. Ni lui ni son mari ne bougèrent. Finalement, elle reprit la parole, la voix emplie de regrets :

- Tu as raison, Kirito... C'est mieux pour eux... C'est mieux pour eux...

L'échange terminé, le couple reprit sa progression. Moi, je restais au même endroit. Je... Ces noms, je les connaissait. J'en étais persuadé.

Une nouvelle fois, ma vue devint floue, et je basculais en arrière.

*****

Je me relevais. Le paysage verdoyant de Sinnoh était de nouveau là, et l'aube commençait à pointer à l'horizon. Merde... Qu'est-ce qui s'était passé ? Ce que je venais de voir... Qu'est-ce que c'était ?

Toi... C'était quoi ..?

Aucune réponse. Je décidais de laisser tomber. Mais ça... Ce ne pouvait quand même pas être... des souvenirs ? Jamais il n'avait vécu ça. C'était impossible.

- Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d'où tu viens...

Il semblait bien que si... Lui... Il pouvait me montrer mes souvenirs. Et ses paroles... Alors si le vieux avait voulu me tuer, c'était à cause de ces deux personnes ..?

En vérité, cela ne changeait rien. Je devais aller le voir pour lui poser la question. Je devais me dépêcher. Il me fallait avancer...