[One Shot] Toile vivante

Ils arrivèrent en vue de Poivressel deux heures plus tard. Le premier signe avant-coureur du trajet fut le village de Rosyères, qu'ils survolèrent à toute vitesse. Ce n'était qu'une tache colorée de rouge et de beige sur une immensité de verdure, mais ça avait le mérite de lui indiquer un point de repère. En suivant une droite de Merouville vers Poivressel, ils passeraient forcément par Rosyères, qui devait leur annoncer qu'environ 60, 70% du parcours était fait. Il n'y avait maintenant plus beaucoup de route, et cette perspective redonna encore plus d'entrain à Altaria, qui trônait fièrement dans les cieux. Ses poursuivants éventuels n'avaient même pas attrapé son ombre, elle en était sûre. Et donc, ils furent rapidement en vue de la cité portuaire, terrain de fusion et d'échanges entre la mer et la terre. C'était un symbole puissant pour la région de Hoenn, car chez eux, l'opposition entre la terre et la mer était quelque de profondément ancré dans leur culture, sans doute parce que Kyogre et Groudon vivaient ici, du moins selon les légendes. D'ailleurs, à part Poivressel, seulement une seule autre ville partageait cette caractéristique si spéciale : Nenucrique, qui elle aussi partageait avec Poivressel cet interface entre la mer et la terre. Et puis, cette ville était pour lui gorgée de souvenirs. C'était là qu'il avait trouvé le Charme Chroma pour la première fois, là également qu'il avait vu Alistar Sever se faire arrêter par les forces de police et tenter désespérément de lui confier son Elecsprint et de libérer ses autres Pokemon. Et puis, il y avait un restaurant qui servait des petit-déjeuners de roi. Dommage qu'il ait passé l'heure, il se serait fait un plaisir immense de retourner là bas. Mais de toutes façons, mieux valait qu'il ne traine pas trop non plus. Plus vite il serait sur place, mieux ça sera.

Ils se posèrent sur les quais touristiques, pavés de pierre blanche et grouillants de petits groupes de personnes venant d'Unys ou de Johto au vu de leurs vêtements et accent. Ils avançaient par vingtaine, suivant un guide d'ici qui brandissait un numéro inscrit sur un panneau de plastique levé bien haut. Ca faisait un poil trop Wattouat pour lui, m'enfin. Après s'être repéré pour être sûr de ne pas se perdre pendant une demie heure, le jeune homme aux yeux violets se dirigea vers l'agence de voyage de la ville, qui tenait boutique justement sur ces quais. En marchant, il se rendait bien compte que son physique étrange et surtout l'Exagide qui était passé en travers de son dos attirait les regards, voir une méfiance naturelle. Certes, ici au milieu de ces gens, il ne craignait pas forcément une attaque, car cela eut été bien trop évident de s'en prendre à lui au milieu de quelques centaines de témoins. Mais quoi qu'il en soit, par habitude, il ne quittait jamais sa lame et se serait dénudé, au milieu de cette foule. Ce sentiment aurait alors été la porte ouverte à ses crises d'angoisses, qu'il redoutait franchement. En faire une devant autant de gens ruinerait à jamais la réputation de l'Eden, mieux valait passer pour un rustre que pour un névrosé. Et puis, il était riche. Vraiment riche. Or, c'était bien connus, seuls les pauvres sont fous, les riches sont excentriques. Personne ne s'inquiéterait d'avantage de le voir aborder une épée en or dans le dos.

Il entra dans cette agence et n'eut guère à attendre longtemps. Il tomba sur une vendeuse d'environ trente ans qui lui fit un sourire indulgent et l'appela « mon garçon », mais elle se reprit bien vite quand il demanda une place sur le premier ferry en partance pour Algatia au nom d'Aeterna. C'était avec un brin de fierté orgueilleuse qu'il constata que le traitement qu'on lui proposait était tout de suite différent à la mention de son nom, et cela facilita grandement les choses. A peine dix minutes plus tard, il avait un billet pour un bateau de croisière vers Kalos qui devait s'arrêter à Algatia pour prendre des passagers. La compagnie se faisait une petite marge supplémentaire en jouant le taxi entre Poivressel, Pacifiville, Atalanopolis et Algatia. Bien que l'arrêt d'Atalanopolis ait été supprimé, l'Eleveur aux cheveux blancs s'était assuré que le bateau passerait bien devant l'île, suivant son circuit habituel pour « montrer la région aux voyageurs ». C'était ce dont il avait besoin. Une fois que le ferry s'approcherait suffisamment d'Atalanopolis, il sauterait du bateau. Ensuite, il suffirait de plonger avec Laggron et le tour serait joué. Un plan simpliste qui le ferait encore remarquer, en somme.

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