La quête du feu

Lorsque je me réveillais, sur mon lit d’hôpital, on me demanda mon nom. Vos papiers ont été brûlé, il n’y a plus aucune trace de vous, ont-ils dit. Aussi, j’ai été dérouté de sentir qu’il ne me venait pas. Comment est-ce que je m’appelais déjà ? D’une main hésitante, je touchais le bandage qui ornait la partie droite de mon visage. Défiguré. Je répondis finalement dans un souffle de voix, la gorge comme recouverte de cendre. Harvey Dent. Je m’appelle Harvey Dent. J’étais éperdu, à ce moment là. Quelque chose bouillonnait en moi. Ils me disaient : c’est un miracle que vous soyez encore en vie. Et j’avais envie de leur répondre que c’était un miracle que eux, soit encore en vie. Moi j’avais tout perdu. Moi je voulais plus vivre. Alors je me mis à crier. Je retirai brusquement mon bandage et, en voyant leur expression, je comprends que quelque chose n’allait pas avec mon visage. Je quittais l’hôpital alors que mes soins n’étaient pas fini et j’arrivais devant une vitrine. Je vis mon visage, et je pensais, à l’instant précis où je découvrais de quoi j’avais l’air, dans une bouffée de haine sans fin, que je les brûlerais tous.

Puis je devins étrangement calme. J’agissais comme si mes gestes étaient guidé par quelqu’un d’autre que moi. Je marchais dans la rue, je croisais des regards apeurés. Mais moi, je ne ressentais plus rien. Pas de peine, pas de détresse. Juste de la colère. Je ne tremblais plus, je ne criais plus. Parfaitement maître de moi. Tellement maître qu’on aurait pu croire que je n’étais pas fou. Quel piège ! Et pourtant si, la démence ne m’avait pas épargné. Je retournais dans mon immeuble calciné dont il ne restait que des gravas, et j’allais m’asseoir dans le noir, au milieu de ce chaos. Je restais des heures et des heures là bas, la tête vide. Je me laissais lentement aller dans ma folie, et je répétais tout doucement, sans cesse, d’une voix tranquille : je les brûlerais tous. J’avais cessé d’existé. Celui que j’avais été avait été balayé, je ne suis plus qu’une cicatrice. Une cicatrice qui se rouvre encore et encore.

Dans cet immeuble je découvrais mon petit Malosse, Pokemon abandonné à son sort. Il décida de me suivre, sans que je sache vraiment pourquoi. Lorsque je détroussais un gamin pour lui voler son sac, j’y trouvais des Pokeballs. J’en proposais une à mon unique ami, et il entra dedans sans faire d’histoire. J’errais beaucoup dans les villes, mais cette fois j’avais décidé de concrétiser mon but. C’était un jour comme un autre pourtant, je me tenais là, sur la route. Je cherchais je ne sais quoi. Un pas devant l’autre, et l’espoir de tous les faire brûler. Voilà ce qui me faisait avancer. Vers quoi ? Je l’ignore. Mais j’avançais. Et là, sur mon chemin, quelque chose se dressa devant moi.

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Oui, je me rappelle maintenant. Ses yeux de fouines qui me fixaient. Ses yeux de fouines jaunâtre, je les ai méprisé. Ses sales dents qu’il me montrait, son expression haineuse et ridicule. Si petit, si minable, comment aurait-il pu me blesser ? Mes dents grinçaient. Je le regardais. Il me regardait. Qui avait mis de la dynamite dans les sous sols ? Ma joue me brûlait, pourtant le feu était éteint. Et le rat, qui me fixait. Comme mon reflet dans le miroir. Si laid. Et comme un brasier dans mon cœur, j'avais envie de l’avoir. Ce rat, il allait être à moi. Avec ses yeux de fouines, ses dents sales. A moi. Peut être que dans ma colère je l’étranglerais, fort, très fort. Ou alors je le ferais brûler. Mais je voulais qu’il m’appartienne. A moi le rongeur, à moi. A moi. Il me servirait bien, il savait sans doute faire quelques trucs. Mais je m’en fichais, finalement. Tout ce qui comptait, c’était qu’il soit à moi. Comme Malosse.

Harvey se tourna vers son Pokemon, qui… Harvey. Quel nom absurde. Est-ce le mien ? Ah oui, un temps sans doute. Je le déteste. Il appartient au passé. Moi je suis un être du présent. Double Face. Douce folie… Harvey se tourna vers son Pokemon, qui était tapis à son côté et qui grondait. Lui aussi avait la face haineuse. Ridicule. Tous ridicule. Lui aussi il brûlerait, de ses propres flammes. Méprisable. Qui avait mis de la dynamite dans les sous sols ? Je n’épargnerais personne, que croyez vous ? Le rat me fixait toujours, ses affreuses dents dévoilées, comme s’il voulait me menacer. Je lui aurais volontiers ris au nez, si j’avais pu. Je ne pouvais que grincer des dents, et tousser. Des cendres dans ma gorge. Mes poumons, brûlés. Mon œil droit ne lâchait pas le rongeur, éternellement écarquillé. Plus de cil, plus de sourcil. Juste une expression de démence. De haine. Alors, Harvey dit, d’une voix douloureuse, comme s’il avait du gravier dans la bouche.

- Flammèche. Attaque, abruti de chien.

Alors Malosse, sans comprendre l’insulte, ouvrait la gueule et se prépara à lancer son assaut. Et moi je le regardais, calme, mais bouillonnant de l’intérieur. Je voulais voir le feu. Je voulais voir le rat se prendre l’attaque. Souffre, souffre, sale rongeur. Sans m’en rendre compte, j’haletais. Qui avait mis de la dynamite dans les sous sols ? Souffre. Brûle.

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