Act I, Scene 5 - Révélations

Alors que je croyais avoir repris l'avantage, voilà que le sort s'acharnait contre moi. Le cervidé avait esquivé la première rafale psychique d'Élise et l'avait de nouveau apeurée avec son attaque, et même écrasée. J'étais dans de beaux draps. Ma pauvre petite mygale n'en pouvait plus, et je ne pouvais pas me permettre de perdre. Non seulement il allait me tuer, mais qui savait ce qu'il allait faire de mes protégés ? Hors de question qu'il touche à un seul poil, une seule écaille de mes Pokémon.
"Il faut croire que c'est la taille qui compte.. Tu me déçois beaucoup, Svetlana. Je te pensais plus coriace que ça."
Je tentais de prendre sur moi pour ignorer sa remarque. Il savait pertinemment pourquoi j'étais là. Toutes mes nuits étaient hantées par le visage blafard de ma mère, les cris de ma petite sœur, les sanglots de mon père, la destruction de ma famille. Depuis cette nuit-là, je devais prendre des cachets pour dormir et presque sniffer de la cocaïne pour tenir toute la journée, alors ça allait pas être un foutu cerf qui allait m'emmerder, non plus !
"Viens par là, Élise."
Je sortis la dernière potion que j'avais de mon sac et aspergea les blessures de mon araignée de produit. Elle avait déjà l'air d'aller mieux. Le combat n'était pas fini. Malgré le poison, il allait encore falloir se battre pendant un moment pour en venir à bout. Au moment où Élise se retourna pour revenir au combat, je l'arrêtai.
"Écoute-moi. Je sais que tu as peur de mal faire, mais les attaques de ce cerf ne doivent pas t'effrayer. Tant que je suis là, il ne t'arrivera jamais rien, t'entends ? Jamais. Tout ira bien, fais-moi confiance. Toi et moi, on va gagner ce match, d'accord ?"
Les yeux de ma Mimigal s'embuèrent. Elle acquiesça d'un signe de tête, prête de nouveau à en découdre avec ce foutu cerf. J'en avais vu des beaucoup plus coriaces que lui. J'allais récolter mes informations et me barrer d'ici le plus vite possible.
"Reprenons, ma chérie, tu veux bien ?"
"Élise, montre-lui ce que t'as dans le ventre. Souviens-toi de ce que je t'ai dis, et attaque Rafale Psy, puissance maximale !"

La roue de la victoire changeait de sens toutes les cinq minutes. A peine Élise s'était-elle avancée pour reprendre le combat que le cerf la charge violemment. Ma petite araignée arrivait à le toucher, et là, ça faisait mal ! Le cervidé tenait à peine debout, plus qu'un coup et c'était fini. Plus qu'un coup et la tension retomberait. Plus qu'un coup et j'allais pouvoir reprendre la partie. Je tentais de cacher la pléthore d'émotions qui jaillissaient de mon cerveau : excitation, soulagement, impatience, inquiétude.
"Quel retournement de situation, n'est-ce pas ? J'aime te voir gigoter dans tous les sens, ma petite Svetlana."
Quel humour, j'étais impressionnée par tant de médiocrité et de mauvais goût. Je toisai le blondinet tout en réfléchissant à mes mots. Tout reposait sur Élise, sa rapidité et sa précision.
"Souviens-toi de ce que je t'ai dis, Élise. Tu peux le faire, attaque Rafale Psy !"

Malgré la rapidité d'Élise, le cervidé esquivait toutes ses attaques et l'effraya en tentant de l'écraser sous ses sabots. Voir une mygale trembler de peur provoqua une hilarité moqueuse de la part d'Igor et ses sous-fifres, ce qui ne m'étonnait pas plus que ça. Ce type ne savait même pas gagner du respect, alors toutes ses paroles, tous ses actes, rien ne m'atteignait. Jamais je devais me laisser impressionner par un mec comme lui.
"La roue tourne, Svetlana. Ça serait dommage que tu crèves à cause d'une araignée trouillarde, tu ne crois pas ?"
"Non. Je ne crois pas."
Je le défiai du regard, mais rien ne semblait l'atteindre. Peut-être n'allait-il jamais me coller une balle dans le crâne, peut-être n'avait-il aucune informations, peut-être que tout cela était vain, et que jamais je ne retrouverais l'assassin de ma mère.. Pourtant, je devais me rendre à l'évidence : il était mon seul espoir. Et si Dimitri avait changé de bord ? Non, il ne pouvait pas me faire ça, pas lui. Non, j'allais remporter ce combat, retourner à la table, jouer convenablement, récupérer mes informations et tuer ce fumier. Soudain, un éclair de génie traversa mon esprit. Et si, au lieu de lancer des rafales à distances, je faisais attaquer Élise au corps à corps ? L'ennemi ne s'y attendrait pas..
".. Attaque Vampirisme !"

Tout se passa extrêmement vite. Élise fonça droit sur le cervidé pour absorber son énergie, et le cervidé fonça droit sur Élise pour l'achever. Résultat : les deux s'étaient rentrés dedans. Ils sont tombée à terre au même moment, aucun ne se releva. Match nul. Qu'est-ce qui allait se passer, maintenant ? Je pris ma mygale dans mes bras et la félicitai chaleureusement pour ce beau combat. Ce n'était nullement sa faute si on n'avait pas gagné, puisqu'on n'avait pas perdu non plus.
"Vous me décevez énormément. Tous les deux."
Au moment où j'entendis Igor prononcer cette phrase, j'ignorais ce qu'il allait faire. Je le découvris la seconde suivante. J'entendis un coup de tonnerre résonner dans le silence de la pièce. Je ne sentais rien, il n'avait pas tiré sur moi.. Au même moment, j'entendis quelqu'un tomber. Le blondinet au cerf venait de se prendre une balle dans la tête, pour ne pas avoir gagné un match Pokémon. Un autre éclair retentit, et traversa ma jambe. Je me sentis tomber à terre, sentant une brûlure terriblement lancinante au milieu de ma cuisse déjà ensanglantée. Cet enfoiré avait envoyé une balle en plein dans mon artère. La douleur me décrocha un cri, comme un porc qu'on égorgeait. Je tentais de reprendre mon souffle, et c'est là qu'Élise fit quelque chose que je n'aurais jamais cru pouvoir imaginer. Elle s'avança vers ma plaie dégoulinante de sang, et tissa une toile autour de ma cuisse en guise de garrot. Les toiles des Mimigal étaient connues pour être quasiment indestructibles, et la voir s'occuper de ma blessure me décrocha des larmes de fierté. Je pris mon amie dans mes bras et laissai aller mes émotions pendant quelques secondes. Le temps s'était arrêté pour moi, je m'en foutais de ce qui pouvait se passer, il n'y avait qu'elle et moi, durant ce court laps de temps. Ce fut à ce moment que je compris qu'à défaut de compter sur les humains, mes Pokémon seraient toujours là pour moi, quelle que soit la situation. Je tentai de me relever péniblement, laissant rentrer Élise dans sa Ball pour un repos bien mérité et retournai vers la table de poker. Le cervidé pleurait la mort de son maître. Même si c'était un type qui servait Igor, il devait l'avoir dressé avec amour. Le pauvre.. Qu'est-ce qu'il allait devenir ?
"T'as fini de chialer ? On peut continuer ? T'as plus qu'à te relever, tu vas faire encore un match avant de pouvoir te rasseoir. Et cette fois-ci, t'as intérêt à gagner."
Je me relevai et retournai au fond de la pièce, en boitant péniblement. Le cerf était toujours là, à pleurer. Il me regardait, l'air suppliant, comme s'il savait que son heure était venue. Je lui fis signe de s'approcher. Il s'exécuta, et je caressai le sommet de son crâne, tout doucement. Le cervidé s'allongea derrière moi, tandis qu'un autre type s'avança pour un second match.

Une nana s'avança vers moi, un air dédaigneux faisant grimacer son visage vingt fois trop maquillé. Elle s'habillait à la mode gothique des gamins de quinze ans ultra-conformistes, et elle voulait me donner une leçon ? En la voyant, j'esquissai un sourire moqueur. Elle devait à peine avoir mon âge, et déjà qu'elle bossait pour le compte d'Igor.
"Tu les prends dès le berceau, maintenant ?"
Ma remarque le fit rire. Elle, non. Au contraire, elle me dévisagea et affirma que mon look lui faisait pitié. Ah oui, c'est sûr, tout le monde ne pouvait pas se permettre de s'accoutrer de la sorte, surtout quand il fallait être discret pour voler, et léger pour s'enfuir. Cette nana me faisait vraiment pitié, à juger tout sur les apparences. Comme si le talent d'une personne était marqué sur ses fringues. Si c'était aussi simple, mais non ma grande, et j'allais te le prouver. Elle envoya un Smogo, qui cracha de la fumée toxique. Et après elle osait me juger sur les apparences, avec un Pokémon aussi laid ?
"Si je poursuis ton raisonnement, vu que ton Smogo est moche, il sait pas se battre, c'est ça ?"
"Bien vu, l'aveugle !"
La réponse d'Igor m'amusa, mais mon sourire se transforma en grimace, rappelant qu'une vilaine blessure m'arrachait la cuisse. Je n'osais même pas la regarder. Pour combattre, je décidai d'envoyer Lux, ma moutonne. En sortant de sa Ball, elle gonfla sa laine et poussa un petit bêlement pour se donner du courage. Le cervidé, qui était allongé derrière moi, se leva et s'assit à mes pieds, attendant patiemment la suite.
"T'es prête, Lux ? Utilise ta Cage-Éclair pour le paralyser, puis utilise ton Plaquage ! On va lui montrer qui c'est la patronne !"

Le Smogo se retrouva rapidement entouré d'une cage électrifiée, qui paralysait certains de ses mouvements. En représailles, il lâcha une fumée violette, que ma moutonne respira. Le poison se répandait dans son corps lentement, pour la faire souffrir à chacun de ses mouvements. Malgré tout, et pleine de courage, Lux plaqua violemment le Smogo, qui resta à terre quelques instants avant de se dégager. Il plongea la pièce dans le brouillard, je ne pouvais même plus voir ma moutonne, tout allait se jouer à l'aveuglette.
"Essaye de ne pas faire de bruit, et déplace-toi régulièrement, si tu restes du places, il te trouvera."
D'un geste de la main, je vérifiai que le cervidé se tenait toujours à mes côtés, et celui-ci se frotta contre ma jambe meurtrie pour me signifier sans doute qu'il voulait, pour le moment du moins, rester avec moi. Je caressai le sommet de son crâne, et je sentis sa langue lécher ma main avec affection.
"Alors, la moche ? Comment tu comptes diriger ton Pokémon si tu peux pas le voir ?"
Alors elle, elle en avait de bonnes. Faire des conclusions trop hâtives allait la perdre, d'autant plus que son Pokémon, même s'il était avantagé par son invisibilité, était paralysé dans ses mouvements, et donc, vulnérable lui aussi. Je tentais de distinguer quelque chose venant d'Igor, mais je ne l'entendis pas. Je l'imaginais attendre patiemment la suite, prêt à dégainer son arme pour buter la perdante de ce combat. En espérant que ça ne soit pas moi..
"Utilise ton attaque Éclair !"

Malgré le brouillard épais rendant le terrain quasiment plongé dans le noir, Lux réussit à lancer une première attaque éclair. J'entendis la foudre frapper, et un cri de douleur émis par le Smogo, signifiant qu'il avait bien été touché. La foudre frappa une deuxième fois, et un nouveau cri retentit. Entre les deux attaques, sans doute du à la paralysie, le Pokémon puant n'avait pas pu attaquer ma moutonne, mais j'entendis cette dernière pousser un petit gémissement de souffrance. Peut-être avait-t-il réussi à l'attaquer, ou était-ce tout simplement le poison qui l'affaiblissait au fur et à mesure.
"Tu remontes dans mon estime. Ton mouton se démerde bien mieux que ton araignée."
"Patron.. Vous pensez vraiment ce que vous dites ?"
Igor se contenta d'acquiescer d'un signe de tête. J'adressai un sourire victorieux à mon adversaire, qui grommela une injure qui entra dans mon oreille et sortit de l'autre. J'aimerais bien qu'il lui envoie une balle dans la tête, à celle-là. Quoi qu'il en fut, les deux seuls types restants autour de la table avec Igor posèrent tous leur regard sur moi, comme s'ils étudiaient le moindre de mes mouvements pour pouvoir les contrer plus tard. J'espérais toutefois ne pas avoir à les battre, eux aussi. J'aurais préféré remporter la manche suivante, histoire d'avoir une information, et de ne pas être venue jusqu'ici pour rien..
"C'est super, Lux, continue comme ça ! Enchaîne les attaques Éclair !"

Le brouillard commençait à se dissiper, mais c'était très léger. Lux continua de lancer des Éclairs, qui eurent apparemment raison du Smogo, vu que j'entendis un truc tomber par terre.
"Putain, Smogo ! T'es vraiment qu'une merde !"
"Je te l'avais dis, ne pas se fier aux apparences."
Finalement, la masse noirâtre s'estompa totalement, et Lux était toujours debout, presque en pleine forme, et le Smogo était à terre, littéralement grillé. J'appelai ma moutonne, qui se précipita vers moi, en courant aussi vite que ses petites pattes lui permirent. Je la pris dans mes bras et la félicitai chaleureusement. Un énorme coup de feu me stoppa net. La frayeur de l'instant m'avait poussée à attraper Lux et le cervidé resté à mes côtés et à les cacher derrière moi pour les protéger. Mais ce n'étais pas moi qui étais visée. Je pensais qu'Igor avait flingué la fille, mais non.. La balle de plomb avait atterri en pleine tête.. du Smogo ! Cette nana venait de tuer son propre Pokémon, juste parce qu'il avait perdu un match..
"Ça t'apprendra, vieille merde."
Complètement choquée, je regardai Igor, qui ne broncha pas. Il devait trouver ça normal, j'imagine.. Finalement, la fille sortit de la pièce, en prenant soin de me fusiller du regard, en claquant la porte. Le Smogo était toujours à terre, mort. En silence, je rappelai ma moutonne dans sa PokéBall et me réinstallai à la table de poker, sonnée par ce que je venais de voir. Le cerf me suivit de près et s'allongea à mes pieds. La partie reprit comme si de rien n'était et finalement, la chance me sourit. Une paire d'as ! Je misai une dizaine de jetons et attendis la suite. Igor passa sa main, mais les deux autres gars me suivirent. Une lutte dictée par la ruse et le silence commença. Et finalement, je gagnai la main.. haut la main, c'était le cas de le dire. Avide de posséder une information précieuse pour la suite de mon enquête, je dévisageai Igor, qui posa son regard sur ma poitrine sans aucun scrupule.
"Le type qui a buté ta mère n'est pas d'ici. Il vient d'Hoenn. C'est un tueur à gages, comme toi, employé par je-ne-sais-qui."
Je notai précieusement les informations dans un coin de ma tête, et remuai la tête de haut en bas pendant plusieurs secondes. La jeune femme qui distribuait les cartes servit une nouvelle main, en même temps que le téléphone d'Igor se mit à sonner. Il marmonnait des "oui" à répétition, avant de raccrocher et me regarder.
"J'ai un boulot pour toi."
"Le travail n'est plus ma priorité."
"Je sais, mais écoute voir. Le type que tu cherches vit à Hoenn, comme je viens de te le dire. Il y a un type là-bas, un éleveur de Pokémon, ou plutôt de perles rares, qu'on voudrait supprimer pour récupérer la marchandise susdite."
Un roi de cœur et un deux de pique. D'un geste assuré, je misai quelques jetons que je venais de gagner, et je fus suivie par personne. En fait, tout le monde s'était arrêté de jouer.
"Ai-je vraiment le choix ?"
Igor haussa les épaules.
"C'est lui ou toi, Svetlana."
Distraitement, je caressai le sommet du crâne du cervidé. Il semblait prendre du plaisir à ça, et avait l'air rassuré en ma présence. Je le regardai avec inquiétude : qu'est-ce qu'ils allaient faire de lui ? Comme s'il avait lu dans mes pensées, Igor reprit la parole.
"A toi de voir ce que tu veux en faire."
Je regardai le cerf, en appréhendant sa réponse. S'il refusait de partir avec moi, il allait subir le même sort que le Smogo..
"Alors, tu veux rester avec moi ?"

Le jeune cerf accepta ma demande : tant mieux, je n'avais aucune envie de le voir finir dans le même état que le pauvre Smogo. J'adorais vraiment les Pokémon, ils me faisaient vivre des choses, des émotions, des sensations que les humains n'ont jamais pu m'offrir. Ils étaient mes vrais amis, et voir cette fille tuer son Pokémon de sang froid m'avait vraiment choquée. Je promis au cervidé, rien que par la pensée, que jamais, jamais je ne lui ferai de mal, qu'il serait toujours libre de prendre des décisions, de partir s'il en avait envie. Je saisis une Ball et il l'ouvrit du bout du nez. La boule bicolore gigota imperceptiblement pour s'immobiliser. Je la rangeai avec les autres, j'allais devoir l'intégrer au PC quand je retournerais au Centre Pokémon, pour ne pas avoir à transporter trop de Pokémon en même temps. Igor décida de remettre le sujet sur la table.
"Alors, tu le veux ce boulot, ou merde ?"
"Dire qu'il vient de Hoenn, ça m'aide pas. Je sais pas si t'es au courant, mais Hoenn, c'est grand."
"Il me semble avoir entendu, de par les oreilles de mes hommes, qu'il se trouve aux alentours de Nenucrique. Quant à l'homme que tu dois buter, tu le trouveras au Village Myokara."
"Tu parles en chinois, je connais pas du tout cette région."
Instantanément, il claqua du doigt en direction de la jeune femme qui distribuait les cartes. Elle s'éclipsa et revint quelques instants plus tard, une carte à la main. La région de Hoenn, ainsi que ses villes, routes, forêts, grottes, étaient détaillées dans les moindres détails. Un nom y était inscrit : Thélos Aeterna. Le nom du gars que je devais buter, sans doute. Je la pliai et la glissai dans la poche arrière de mon pantalon. Sans que je comprenne de suite pourquoi, la jeune femme et les deux gorilles se levèrent et sortirent de la pièce. J'étais seule avec Igor, attendant que quelque chose se passe. Il passa délicatement la main dans mes cheveux, et je compris alors ses intentions. Les hommes ne pensaient vraiment qu'à ça.. Mais j'avais le sens des affaires, et comme je l'avais déjà fait, par intérêt, j'étais capable d'offrir mon corps à quiconque le demandait, s'il possédait quelque chose qui m'intéressait, bien évidemment.
"J'y gagnerais quoi ?"
"Mon éternelle reconnaissance. T'es vraiment magnifique, tu sais ?"
Je poussai un long soupir. Je savais pertinemment que si je refusais, j'allais me faire tirer comme un lapin, et étant donné que ma jambe continuait de pisser le sang et était atrophiée, je ne pouvais pas courir pour m'enfuir. Je le laissai faire, m'abandonnant totalement, fermant les yeux, en attendant que ça se termine. Je tentais de me convaincre que ça n'allait pas durer longtemps. Complètement nue, je me penchai en avant, les coudes appuyés sur la table de poker, et attendis que cette espèce de traître profite de mon corps.
(...)
Épuisée, blessée, souillée, je sortis du Casino et repris le chemin inverse, pour retourner au Centre Pokémon. Confier mes Pokémon à l'infirmière, me laver du péché, manger, changer mon pansement, j'avais vraiment hâte d'y être. Boitant à en chialer, Warwick était sorti de sa Ball pour m'aider à avancer, malgré sa faiblesse due au combat difficile qu'il avait disputé. J'arrivai, alors que le Soleil n'était pas encore levé. Je confiai mes Pokémon à l'infirmière qui me proposa de me doucher pour ensuite examiner ma blessure. L'eau brûlante ruisselait le long de mon corps, et la vapeur formée par la chaleur créait une camisole indestructible, me maintenant en sécurité, loin de ce que je venais de vivre en silence. Même si j'offrais mon corps, je n'y éprouvais aucun plaisir, c'était plutôt de la honte, et un sentiment d'être souillée et profondément blessée. L'eau sur mon corps m'apportait réconfort et sécurité, et ce fut à contre-cœur que je dus la quitter. Curieuse, je jetai un œil sur ma blessure. Un énorme trou rouge avait fait giclé du sang jusqu'à mon genou. Rien qu'en voyant la balafre, je grimaçai, la douleur était toujours présente. J'enfilai des vêtements propres et l'infirmière s'occupa de moi, en silence. Je la remerciai autant que je pus et m'installai pour manger. Je reçus un mail du majordome de la maison m'informant que le Cerfrousse que je venais de récupérer était bien arrivé. Tant mieux, il serait en sécurité là-bas, et il allait se faire plein de copains, jusqu'à ce que je le revoie. J'engloutis une tonne de nourriture, jusqu'à en avoir le ventre gonflé, puis, ayant récupéré mon sac et mes PokéBall, je décidai d'aller faire un tour vers le port de la ville. L'air y était frais, le vent soufflait en rythme avec le lever de l'astre du jour, colorant le ciel d'un dégradé allant du bleu marin au rose pétillant. Je jetai un coup d’œil à la carte que m'avait donnée Igor. Thélos Aeterna, ça ne me disait rien du tout, le nom sonnait à la fois bizarre et harmonieux. Un type qui élevait des Pokémon, d'après ce que j'avais compris. Ça ne pouvait pas être quelqu'un de foncièrement méchant, mais les ordres étaient les ordres. Voyager me rendait davantage raisonnable, et je commençais à ne plus trop prendre goût au larcin et la criminalité. Je me dirigeai vers une voie plus sereine, en harmonie avec mes Pokémon et moi-même. Un homme annonça par le biais d'immense micros accrochés à des poteaux que le train partant pour le Village Myokara allait bientôt partir. Sans hésiter, et clandestinement, j'entrai sur le bateau, prête à affronter l'avenir.